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1) Dans quelles circonstances et a quel age avez-vous quitte la Bosnie?
J'ai quitté Sarajevo en mai 1994 et j'avais 22 ans. La guerre battait encore son plein.
2) Comment s'est passe votre adaptation en France?
Ne parlant pas français à l'arrivée en France, j'ai été d'abord fille au pair puis j'ai suivi des cours de français pendant un peu plus d'un an. Au début j'étais un peu égarée car je ne savais pas où commencer la suite de mes études. A Sarajevo j'avais suivi les cours de l'Université de Sciences Economiques pendant trois ans et j'avais obtenu l'équivalent d'un DEUG. Avec un peu d'aide d'un ami, un journaliste de France 2, j'ai parcouru les collèges, les universités, les différents ministères pour être orientée . Finalement, en septembre 1995 j'ai intégré dans l'Université de Paris Dauphine, l' Institut de Gestion De Patrimoine.Au début ce n'était pas très facile mais avec le temps les autres étudiants m'ont accepté, probablement d'abord par compassion puis en comprenant que je n'était pas très différente d'eux. Pendant mes études j'ai du travailler pour pouvoir survivre même si j'ai eu l'immense chance de bénéficier d'une bourse d'études. Une fois quand j'ai dit à une copine de fac que mon copain, un garçon qui était aussi venu de Sarajevo en 1996, et moi vivions avec cinq mille francs à l'époque, ils se sont tous cotisés pour réunir la belle somme de trois mille francs pour nous aider. Ce geste, je ne pourrais jamais l'oublier. A la fois, j'étais très gênée car je venais d'une couche de société de Sarajevo plutôt bien portante au niveau financier et que je n'avais pas été habituée à réveiller la compassion dans mon environnement, et très heureuse car cette petite somme nous a beaucoup aidé à l'époque. Ma vie en France n'ai jamais été très facile car il me fallait toujours prouver que j'étais égale aux autres et qu'il me fallait travailler plus pour obtenir le même chose. Mais cela a réveillé en moi le sentiment que je peux tout réussir, que la vie est un parcours de combattant, et que la concurrence est une chose très saine, car elle nous pousse à devenir meilleur.
3) Depuis quand etes vous de retour en BIH? Quelle etait votre principale motivation pour rentrer en Bosnie?
Je suis revenue à Sarajevo en juin 2007. Ma motivation n'est peut-être pas très honorable car je l'ai fait pour des raisons de coeur, mais aussi en me disant que si j'avais vraiment bien réussi en France, je pourrais faire de même dans mon pays natal. J'espérais que mon pays et surtout ma ville natale avaient besoin de gens riches de cultures différentes. Je ne sais pas si j'ai eu raison, je me le demande aujourd'hui, mais autrefois Sarajevo était une ville cosmopolite.
4) Quelles sont les bonnes surprises de ce retour et les difficultes que vous avez rencontre?
Les bonnes surprises de ce retour, c'est définitivement d'avoir plus de temps, moins de stress. C'est seulement maintenant que je découvre la beauté naturelle de mon pays (pas encore mise en valeur).La manière dont les gens savent s'amuser et constamment faire les blagues sur eux-mêmes et sur leur condition, ce sens de l'humour n'est pas perdu, et cela me semble important. Tous ces talents dans le septième art, le festival du film, cela me rends fière d'être Bosniaque. Il y a une chose qui m'a impressionnée, c'est que les femmes sont beaucoup plus capables, compétentes, débrouillardes que les hommes.Quant aux difficultés, il y en a plus que des avantages, malheureusement. Les gens sont devenus agressifs, envieux, chacun pour soi. La léthargie règne quoi qu' il se passe et les gens sont pour la plupart très fénéants et voudraient avoir de l'argent sans s'investir et sans travailler. Au travail, e manque de professionnalisme, d'envie d'être efficace, le manque de bonnes habitudes et la division des gens sur la base de leur religion me rendent folle. Ici , malheureusement, tous croient que l'Europe Occidentale est le paradis, mais si ils travaillent ici autant qu'on doit travailler dans les pays occidentaux ce pays tournerait mieux. Et puis pour la fin, les hommes ont un comportement très macho. Quand ils doivent prouver leur force ou leurs capacités ils échouent et laissent les femmes se débrouiller toute seules. Ce qu'elles font très bien, d'ailleurs. Je ne voudrais pas sembler négative mais il me semble que le peuple bosnien est devenu très inculte et barbare. A qui la faute? Certainement aux institutions d'Etat.
A un moment donné, j'ai eu une idée qui me semble maintenant pas si stupide et elle est la suivante: il faudrait signer avec deux ou trois pays européens un contrat qui permettrait d'envoyer nos jeunes compléter leur éducation (collège ou Université) chez eux avec une bonne partie de stages dans les entreprises étrangères, avec obligation de ces jeunes de revenir après études en BiH, et leur garantir le poste équivalent dans les entreprises (privées ou publiques) de BiH. Cela, à mon sens leur apprendrait à travailler de manière efficace et les pistons et la corruption dans le milieu de travail au moins seraient appelés à disparaitre peu à peu.
5) Comment evaluez vous aujourd'hui ce choix?
Le choix que j'ai fais de rentrer est-il bon ou pas, il n'y a que le temps qui le dira. J'avoue que parfois je le regrette, mais je me dis qu'ici il faut être armé de patience, de beaucoup de patience. Si la Bosnie-Herzégovine trouve vite la voie vers l'Union Européene cela pourrait être le bon choix, généralement parlant. Si elle choisit de rester un trou, alors me faudra plier bagages et partir. C'est ma devise, je sais que ce n'est pas très patriotique, mais tant que ce pays ne fait rien pour ses citoyens comment s'attendre à ce que ces citoyens "libres˝ aient une autre réaction et que ceux qui veulent faire de leur vie quelque chose essaye de construire leur vie ailleurs [NDLR: les détenteurs du passeport bosnien ont eux besoin de visas très difficiles à obtenir pour vivre ailleurs].
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1) In which circumstances did you leave Bosnia and how old were you?
I left Sarajevo in May 1994. I was 22 years old. The war was still raging.
As I did not speak French when I arrived in France, I first worked as an au-pair and then followed French language classes for a bit more than one year. In the beginning I was quite lost and did not know where to continue studying. In Sarajevo I had studied at the Faculty of Economics for three years and had obtained an undergraduate degree. With the help of a friend, journalist at France 2, a French TV network, I went to all colleges, universities and different ministries to find out my options. Finally in September 1995 I registered at the University of Paris-Dauphine, in the Institute of capital management.
2) How did you adapt to France?
In the beginning it was not easy but with time the students accepted me, probably at first out of compassion and then finally because they understood I was not different from them. During my studies I had to work to survive even if I had the great chance of having a scholarship. Once I told a friend that with my boyfriend, who had also come from Sarajevo in 1996, we lived on five thousands French Francs at the time, they all chipped in and donated us the big sum of three thousand francs. This, I will never forget. I was at the same time very embarrassed because I came from a well-off family and that I was not used to elicit such feelings of compassion but also very happy because this money helped us a lot at the time. My life in France has never been easy because I always had to prove I was as good as the others and I needed to work more to get the same thing. But this has awaken in me the feeling that I can succeed in anything, that life is like an assault course and that competition is a sound thing because it pushes us to be better.
3) Since when are you back in Bosnia and what was your main motivation to come back?
I returned to Sarajevo in June 2007. My motivation might not be totally honourable as I followed my heart but I also told myself that if I had succeeded in France I could do it in my home-land. I hoped that my country and my native-city would need people enriched by different cultures. I don't know if I was right, I wonder sometimes, but Sarajevo used to be a cosmopolitan city.
4) What are the good surprises of coming back and the main obstacles you've had to face? The good surprises I got from coming back are definitely that I have lots of time and much less stress. It is only now that I discover the natural beauty (yet to be exploited) of my country. The way people know how to have fun, constantly make fun out of themselves and their living conditions, this sense of humour is not lost and this seems to me important. The talented people in movie making, the film festival, all these things mare me proud of being a Bosnian. One thing that impressed me is that women are much more capable, competent and resourceful than men.
There have been difficulties and unfortunately more than advantages. People have become aggressive, envious, and selfish. Lethargy is pervasive and most people are lazy and would like to have money without working. At work, the lack of professionalism, of striving to be efficient, the lack of good habits and division among people according to their religion make me crazy. Here, unfortunately, everyone thinks of Western Europe as some kind of paradise, but if they would here work as much as you have to in Western Europe the country would function much better. And finally, I think men have a very macho behaviour. When they are supposed to show their strength or capacities they fail and leave the women to manage on their own. And this they do very well. I do not wish to seem negative but it seems to me that the Bosnian people have become uncultured and barbarian. Who's fault? certainly state institutions.
At one time I had an idea and now it seems not to be so bad. Here it is: an agreement should be singed with two or three European countries to send our youth to complete their education (college or university) abroad with a large part of practical training in foreign companies, with an obligation to return to BiH after their studies with the guarantee of an equivalent job in public or private local companies. This would, I think, teach them to work in an efficient way and string-pulling and corruption at least in the corporate world would be lessened.
5) How would you now evaluate the choice you made to come back? Whether he choice I made to come back is good or not, only time will tell. I have to say that I sometimes regret it but I tell myself that here one should show patience, a lot of patience. If Bosnia and Herzegovina finds its way to European Union, it would be a good choice, generally speaking. If Bosnia chooses to stay in the hole, then I will have to take my leave. It is my catch phrase, I know it is not very patriotic but if this country does not do anything for its citizens how can one expect those of us who are free to do otherwise and that those who want to do something with their lives to try to built something elsewhere? [Note: With only a Bosnian passport, Bosnians cannot leave the country easily as they need to obtain a visa]
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